Alix Guillard

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En rentrant de St Petersbourg 2

Chapitre 2

"(...) Il doit aussi s'assurer qu'il dispose de moyens de paiement suffisants en monnaie étrangère pour couvrir les frais de son retour, nos consulats ne pouvant prendre en charge son rapatriement."

Jamais je n'avais pensé que la 4ème recomandation importante figurant à la page 33 des passeports français me concernerait un jour. C'était pourtant le cas aujourd'hui. Il était donc hors de question de trouver le Consulat de France, de passer le barrage des manifestants pro-Greenpeace (anti-nucléaire) et de me prendre la tête façon "impasse administrative et joute verbale" avec un fonctionnaire pistonné qui déserterait son service deux minutes plus tard. Pourquoi, alors, quitter cet aéroport qui, ai-je déjà dis, offre toutes les commodités germaniques? Pourquoi rejoindre le centre-ville à l'heure même de fermeture des bureaux? Pourquoi avoir gaspillé 5,50 DM pour le seul plaisir de pouvoir écrire en bas d'une septième page: "j'ai pris le S Bahn"? & puis, pourquoi avoir suspendu ce récit à la septième page? Pour créer un psoeudo suspense du genre Caliméro retrouvera-t-il sa maman poule?

Alors là je commence à trouver vos remarques désobligeantes. Bon, c'est vrai, personne ne m'a demandé de débiter sept pages (A5) sur deux heures et demi de ma triste vie. C'est vrai aussi : j'écris pour moi et moi seul me comprends, en casant dans une seule phrase 15 idées qui me trottent dans la tête, en utilisant des mots que tous ne connaisent pas et en frappant des phrases sans verbe dans le seul but d'emmerder Jean d'Ormesson. Certes, tout cela est vrai, mais je suis d'un tempérament partageur, adepte du co-voiturage et des PAF au resto, je vous permet de lire mon journal intime en profitant des photocopies gratis de mon boulot, et après ça, vous vous plaignez de ne pas lire l'histoire qui vous convient, d'être sans arrêt en train de quitter l'histoire de mon escale de Frankfurt pour surveiller le cours du rouble ou pour commémorer la Russie, de ne pas tout comprendre tellement je suis désordonné (mon récit serait-il aussi untidy que ma chambre?). Plaîgnez vous, plaîgnez vous tant que vous pouvez, à l'heure où vous lirez ces lignes, j'aurais déjà écrit le mot fin, sans aucune intention de changer la moindre virgule, fusse-t-elle, manifestement mal, placée.

Dans ma bonté sans limite, je veux bien répondre à quelques questions: Déjà, 7 pages A5, c'est le bon compte pour faire juste 20 grammes avec une enveloppe petit format (il n'y a pas de petites économies). Ensuite, un DAB est un distributeur automatique de billets et une PAF, une participation aux frais. Thierry, c'est mon cousin de Marseille de Munich, et Toto c'est le même. J'ai connu trois différents Dimitri (Dima est le diminutif de Dimitri, c'est pourtant simple!) en Russie (qualifier trois fois de suite la même personne d'adjectifs élogieux aurait fait un peu fort pour un étéro). Le S Bahn (pronnoncez S Bahn) est en Allemagne, l'équivalent du RER (pendant que le U Bahn équivaut au métro) en Ile de France, sauf qu'il n'y a pas de tourniquets à l'entrée.

A Saint Petersbourg, il n'y a qu'un réseau souterrain. Il s'appelle métro mais est comparable au RER par son étendue géographique et l'espacement des stations. Malgré cela, le tarif unique est pratiqué et un jeton à 600 roubles permet de passer d'une banlieue éloignée à l'autre. Le métro Petersbourgeois est un monument à vister. Dès l'entrée on se sent bien loin du carrelage "salle de bain" de Paris. Les interminables escalators, qui vont trois fois plus vite qu'à Télégraphe, nous font descendre plus profondément qu'une chute dans l'abîme. Dans cette interminable descente dans le Nostromo, sous cette voûte blanche et ondulée, bordée de colonnettes de lumière; les Russes passent le temps en lisant discutant ou regardant en vis à vis ceux qui remontent à la surface, pendant qu'une voix sortant de nulle-part, donne interminablement les recommandations pratiques aux usagers dans un ton du plus pur cru 1984 (G. ORWELL). Les stations sont de grandes nefs toutes décorées différement dans un grandiôse style "Trocadéro-années-50" (mais non, je n'ai pas dit stalinien!). Des bas-reliefs d'inspiration néo-antique recouvrent les tubes au néon. Ces derniers éclairent des colones aux chapiteaux sculptés à la gloire d'un Vladimir qui donna (en son temps) son nom à la ville. ça, c'est dans la station Dostoïovski, où aucun décor ne rappelle l'écrivain, mais où les lettres neuves expliquent que cette station a été rebaptisée il y a peu. D'autres stations rendent hommage à Pouchkine et Maïakovski et abritent, elles des statues à l'éfigie de leurs saint-patron-poète. Il faut se promener dans ce métro, éclairé par d'immenses lustres, où les statues de Lénine commencent peu à peu à céder la place au cow boy Marlboro, première apparition d'alphabet latin dans ce dédale d'inscriptions cyrilliques.

Partout dans la ville, depuis des siecles, les enseignes étaient bilingues allemandes, français, anglais, et maintenant américain. Dans le métro, il n'en est rien, la seule langue est celle de la révolution: le Russe. Et pour trouver un plan dans la station, c'est tout aussi difficile, seul un ou deux panneaux lumineux indique la direction au désorienté qui sait lire les hiéroglyphes slaves, avec une liste de noms, alignés sans autre précision que l'emplacement de la pancarte.

Ici, autant qu'ailleurs, les usagers se bousculent et se pressent, le visage terne et la mine indiférente au reste du monde, pire qu'une guichetière de La Poste. Mais, dès qu'un quidam croise un ami, alors, une joie lumineuse change leurs traits et le morne quotidien laisse place à une amitié qui semble sans limite. Y-a-t-il un milieu dans le caractère slave? L'indiférence totale de la foule maussade et les embrassades enthousiastes! rien d'autre. Les points de rendez-vous sont les statues de Lénine et le point culminant des escalators. Toujours, des gens y attendent un pakiêt à la main ou le nez dans un livre. A la sortie des stations, lieux de grand passage (puisque ce sont aussi les entrées), s'ammoncèlent les kiosques en tôle qui vendent de tout et les vendeurs immobiles qui brandissent timidement un article de leur unique marchandise. A Vassiliostroskaïa, les babouchkas vendent des cigarettes, à Gostini Dvor, ce sont les partis extremistes qui exposent leurs publications, et sur la Place des foins on trouve fruits & légumes.

Me revoilà traçant des lignes sur la ville de Pierre (le Grand) tandis que les fans de Casimir Casimirus (pour ne pas confondre avec Malévitch) trépignent d'impatience et tappent du pied pour savoir comment j'ai pu quiter Frankfort avec 17 DM en poche. On y arrive, je vais m'y mettre, avec toutes ces remarques, j'ai l'impression que quand je raconte mes vacances, c'est comme si je faisait une soirée projection de diapos ratées. ("Alors là c'est truc, mais on ne voit pas très bien...". "zzzZZZzzz" répond l'assistance.)

RÉVEILLEZ VOUS! Je reprends:

J'étais dans une voiture du train qu'on appelle S Bahn. Et qu'est ce que je faisait? Peut-être soufflais-je sur mes main rouges et gonflées; peut-être que je regardais les diam's d'une belle allemande montée juste après moi; peut-être que je pleurais ou que je ganbergeais sur ma situation en froissant mon titre de transport dans ma poche, peut-être regrettais-je de ne pas avoir de notebook dans mon attirail, pour écrire ces lignes dans le feu de l'action. Peut-être même, que j'étais replongé dans mon livre de vol: "Jacques le fataliste", que j'ai piqué dans la chambre d'Ania avant de partir. Peut-être que je faisait tout ça en même temps où bien tout autre chose, vous n'avez qu'à choisir, je m'en fous moi. De toutes façons, ce n'est pas important pour la suite. D'ailleurs, y-a-t-il vraiment quelque chose d'important? Je pourrais m'arrêter là puis me suicider, quelqu'un ajouterais: mort sans avoir pu écrire le mot fin, et tous les crasseux trouveraient ça génial. Bon il se trouve que pour le moment, je désire autant mourir que je désirais rester à Frankfurt. Si ça peut rassurer ceux qui veulent savoir si je suis bien rentré, j'en suis fort aise... J'arrivais donc, en moins de temps qu'il n'en faut pour décrire le métro petersbourgeois, à la Frankfurt am Main HBF, la gare centr. de Frankf. J'avais les même bagages, la même tenue et la même détermination à faire de ce lieu une étape qu'en arrivant à l'aéroport; la bonne humeur et les dollars en moins mais la bonne odeur de transpiration en plus.

Ayant dépensé tout mes sous outre-ex-rideau-de-fer, ayant acheté plein de choses russes lourdes et encombrantes, il avait fallu me vétir chaudement pour faire de la place dans ma valise. Cette dernière était toujours suffisament lourde pour que le fait de la transporter soit considéré comme un sport olympique. Hélas je n'avais pas le look du porteur de torche d'Atlanta avec ma veste en jean et mon fô-Barbour-pour-l'hiver par dessus.

Bref, je puait mais les rebutants guichets de verre étaient ma protection. Je fis le tour de la gare pour converser une ou deux fois avec le télécopieur de Toto, vérifier si tous les changeurs de thunes étaient anglophones (succès total) et si accéssoirement ils prendraient un de mes chèques (choux blanc). C'est seulement après avoir opéré ce parcours déjà répété à l'aéroport que je me décidai à poser mes bagages à la consigne (drei marks).

Tranquille et allégé, je m'offrit une petite ballade en ville histoire de me changer les idées. Je pensais un peu fureter dans les Frankfurter télékabin dans l'espoir d'étoffer ma maigre collection de télécartes allemandes autrement qu'en passant mon temps à téléphoner à Canon faxphone 18.

L'avenue devant la gare centrale de la ville mène de la gare centrale au centre ville; il faut quand même le faire... La gare jouxte la cité des banques ou les gratte ciel se dressdent. Le centre ville, très marchand et piétonnier, reconstruit à l'ancienne après la guerre, fait penser à une ville de province à l'aménagement planifié. J'étais encore aux abords de la gare, lorsque les néons de la pointe de la haute tour en pointe s'allumèrent annonçant la proximité de la nuit, la fin de la periode estivale. Je n'étais plus en vacances, j'étais dans la mouise, merci de me le signaler. C'était aussi l'heure de fermeture des bureaux. Au pieds de ces tours rectilignes, les rues grouillaient de troupeaux de cravates, qui, en vitesse où en vélo, s'en retournaient après une dure journée de labeur.

Réduite en ruines par les alliées, Frankfort a été reconstruite d'une manière réfléchie, ordonnée, fédérative. Tokyo, a aussi été reconstruite sur les ruines du bon boulot des alliés, mais à la différence de Frankfort, de manière moins rationnelle et plus anarchique, libérale, si bien que à Tokyo, quand on invite un ami qui ne connais pas le quartier, on lui faxe un plan du coin pour qu'il ne se perde pas...

Le fax de Thierry, alias Canon faxphone 18, n'était plus ma préocupation première, j'avais suffisament discuté avec lui pour pouvoir écrire un bouquin sur sa vie...

Le point commun entre Tokyo et Frankfort (car si je me mets à parler de Tokyo il faut le lier à autre chose plus concrètement que avec une liaison Aéroflot), c'est la situation des quartiers de plaisirs. Ils sont toujours tout près des bureaux, sur le chemin du bercail (le placard à cravates). L'artère qui mène du centre à la gare, sert d'adresse à tout ces commerces dont les affaires commencent justement à l'heure ou s'allume la flêche du gratte-ciel machin. Je m'y prommenais, regardant avec amusement la tête de ceux qui, ce soir, feraient croire à leurs femmes qu'ils triaient des dossiers. Ces employés de bureau, ces cadres sup. qui avaient trimé toute la journée s'offraient un moment de détente avant de reprendre du collier de manière conjugale. A moins, qu'ils ne se prennaient ce temps pour oublier qu'ils allaient ensuite rentrer dans le vide de chez eux à hésiter entre les programmes d'Astra et ceux d'Eutelsat. Etais-je venu ici pour fouiller leur concience? Je prennais mon temps dans ces rues qui m'expliquaient enfin le pourquoi de cette serie de carte postales qu'on vendait à la gare, représentant des paires de fesses nues et convexes, tatouées de la légende: "Only in Frankfurt!". Il était évidement hors de question de dépenser quelque argent que ce soit, même pour envoyer une carte à un ami fesses-lover (j'en connais...). Il me restait 17 marks et c'était pour manger, pour ce plaisir vital et indispensable qu'est la course à éviter la faim. Bon, évidement, il y a d'autres plaisirs vitaux, mais tout est affaire de choix, et j'avais décidé d'être raisonnable en ne craquant pas sur les friandises des marchands de chocolat, esperant manger complet et conssécant.

Dans le même temps, je prennais un zèle répétitif à lire les inscriptions de certaines portes vitrées. Je tentais me faire une idée sur l'ouverture matinale des banques en lisant les pannonceaux d'horaires sur leurs devantures. Les allemands, ayant eu la bonne idée d'adopter les chiffres arabes, il m'a été facile de constater qu'il ne me restait jusqu'à 8:30 AM où 9:00 AM pour trouver une Deutch Bank, y entrer et retirer du liquide avec ce même chèquier qui étonnait tout le monde.

Lors de ma dernière visite de bureau de change, le prussien chauve qui pris le rôle d'interlocuteur anglophone m'expliqua que je pouvais, avec mon chèquier, opérer un retrait en espèces dans la chaine d'établissement financiers sus-cités. Suite à cela, je m'étais souvenu, que le Crédit Lyonnais avait des accords avec des banques des principals pays européens pour ce genre d'opérations. Ainsi, ce devait-être la deutch bank. Il ne me restais plus qu'à attendre son ouverture avec le lever du soleil du lendemain matin. Voilà pourquoi, je me promenais serin, le nez dans les décolletés vulgaires et les frites graiseuses des limonadiers au teint bleuté par les néons. Et puis d'abord, puisque j'entame la septième page, je peux à présent l'avouer, je n'étais pas serin, l'idée de passer une nuit dehors m'étais aussi opressante qu'une fille que vous aimez et qui vous ignore. Mes dernières nuit Péterbourgeoises avaient été des nuits blanches (au sens non-polaire du terme) et l'avion n'avait pas du tout été reposant pour cause de bruyants touristes et puis aussi peut être, l'inquiètante perspective de cette escale que déjà, je voyait poindre à travert le hublot.

Je n'avais guère envie de visiter cette ville acidulée, trop propre (surtout par rapport à Saint Pêt.). Ici, même lorsque la route est déserte, les piétons attendent le bonhomme vert avant de traverser. Même un héroïnomane dans les escaliers du S Bahn, qui se faisait injecter sa dose par son dealer parce que trop amorphe, avait l'air d'une scène hygiénique. Pas un papier gras dans les rues piétonnes du centre, et très peu d'embouteillage aux feux malgré l'heure de pointe. Cette expression du civisme para-écologique aussi rigide qu'une tour de verre et d'alu. Ces bandes blanches sur le bord de la route, peinture fraiche que tous les vélos se contentaient de suivre sans réfléchir. (encore des phrases sans verbe!) C'est dans cette ville que j'étais invité à passer la nuit, comme Jacques Abouchar avait été invité à Moscou.

Certes, j'écris cela pour faire remonter le suspence, sachant que j'arrive à nouveau à la septième page A5...

On pourrait en profiter pour faire une pose comparative: Les septs premières pages décrivaient les deux premières heures à l'aréoport et voici que les sept suivantes rendent compte des deux heures suivantes (elles aussi). ça n'avance pas vite..., mais cessez de vous plaindre, sinon je prolonge cette pose et au troisième volume, je serais encore en Allemagne. J'aurais pu raconter que je m'étais mis à tapiner dans ces quartiers de plaisir, et que, usant de mon charme naturel, j'ai rapidement encaissé de quoi retourner à Paris via München en avion, avec même de quoi consommer une petite mousse à l'escale et me prendre un taxi Orly->maison. J'aurais pu prendre sept nouvelles pages pour décrire succintement les impressions d'un dépucelage du posterieur, puis conclure que vous pouriez me retrouver désormais tous les soirs dans les jardins du Trocadéro. J'aurais pu aussi raconter que sur l'étale d'un clochard brocanteur (et sans doute resselleur) j'avais trouvé un magnifique Corot et que j'avais claqué mes derniers 17 marks pour l'aquérir et que je l'avais revendu dans l'heure et par téléphone à la société des amis du Louvre qui m'envoyait aussitôt un international-taxi-order. J'aurais pu inventer plein de trucs romanesques, mais je préfère me cantonner à la stricte vérité, comme l'a fait Diderot dans le bouquin chipé à Ania, sus-cité.

Le lecteur toujours promps au remarques acerbes hazardera un: "la ressemblance avec Diderot s'arrête là!". Mais c'est là que j'arrêterais ce lecteur, à coup de stylo dans le tympan. Diderot a vécu un an à la cour de Saint Petersbourg en 1773 où il enchanta Catherine II par ses bons mots. Puis il s'en est retourné en France (via l'Allemagne lui aussi) où il écrit (entre autres) un essai sur les études en Russie. Bien sur, je ne suis ni resté un an sur la perle de la Baltique ni même été contemporain de Catherine II. Me verrais-je donc forcé d'aquiècer la désobligeante remarque du début de paragraphe? " Qu'est ce que deux siècles?" vous rétorquerais-je.

Regardez les russes: aujourd'hui, il en reste très peu qui on connu le régime de Nicolas II, pourtant, le culte de ce Tsar renaît comme s'il n'y avait rien eu pendant 80 ans. On retrouve son portrait sur des porcelaines de mauvais goût et les calandriers. Les lunettes arrières de moultes Ladas se fleurissent de couronnes imperiales en plastiques que les magasins d'accessoires auto vendent à bon marché. Le royalisme n'est certe pas un mouvement de masse en Russie, il est plus discret que les mouvements communistes ou fascistes, mais il existe.

reconstruction d'une église

On aimerais pourtant, dans les conversations, revenir à cette faste vie de palais, oubliant qu'elle touchait le happy-few, oubliant qu'il à peine plus d'un siècle, on pratiquait encore le servage. Et chaque mouvement extremiste (ou non) de récuperer la gloire de Catherine II (la plus allemande des souverains de Russie, Eltsine compris) en plantant des manif de vingt personnes au pied de sa statue sur la place Ostrovskovo, au bord de la Nevski prospect. Jardin agréable que ce jardin de la grande Catherine, plus court chemin pour aller du métro au théatre Pouchkine. Le soir vennant, les joueurs d'échec y envahissent les bancs avec leurs blitz et leurs damiers. Les badeaux s'y arrêtent parfois plus d'une heure pour suivre une partie, mais je m'égare... Pourtant, qu'il est bon de s'égarer sur les traces de Catherine le Grand.

Plus haut sur la Nevski, entre N.D. de Kazan et la Moïka, Il m'a été possible de visiter un palais donnant sur l'avenue, chose difficile il y a peu. La porte de la cour était ouverte, ce qui ne fit pas hésiter longtemps la curieuse qu'est Ania. Je la suivai. C'était une charmante cour-jardin, bercée par les fontaines où le soleil percait au travers du feuillage d'été et entouré de façades russo-baroques. Il s'agissait du palais de Stroganov construit par Rastrelli, à la demande de Catherine II. Etait-ce parcequ'un jour, Catherine n°2 craqua pour un fameux plat de boeuf que le cuisinier français de Stroganov avait préparé pour la venue de l'impératrice chez son précieux conseiller? Surement que non, mais l'histoire a plus retenu la personnalité culinaire du maitre de cuisine de Stroganov que sa fonction même dans une cour impériale de la lointaine Russie. Querelle de palais, gustative et politique. L'impératrice en était friande, mais dans le seul but d'assoir son autorité, de s'accaparer le pouvoir. Elle avait aussi demandé, entre autres la construction du Palais de Marbre, au bord de la Néva, pour Orlov, cet amant qui accepta de monter un complot contre son Tzar de mari (à Catherine pas Orlov!). L'histoire ne dit pas s'il espérait ensuite prendre sa place sur le trône, car, quoi qu'il en soit la très expéditive Catherine resta seule maîtresse de l'empire sa vie durant et remercia son amant d'un temps par la construction de ce joyau aux trente deux sortes de marbre dont Orlov ne profita jamais pour cause de décès avant la fin des travaux. Elle savait quand même remercier en temps voulu les hommes qui lui plaisaient. Elle avait une consommation boulimique d'amants qu'envierait même la Pompadour, mais il y avait aussi des conseillers, les conspirateurs, les partenaires en philosophie...

Elle pensionna entre autres, Diderot (pour en revenir de mon égarement) en lui achetant sa bibliothèque tout en lui laissant l'usage. C'était avant la venue de Diderot à Piter, l'honneur est sauf! En ce siècle des lumières, K2, correspondit beaucoup avec de nombreux philosophes, qui la traitaient comme leurs égale, tant elle faisait preuve d'esprit avec eux. Contrairement à Diderot, Voltaire a toujours refusé de venir en Russie, malgré les nombreuses invitations de sa grande amie l'Impératrice. Il garda cette image idéaliste du despotisme éclairé de salon, sans avoir vu le peuple vivant dans la servitude, ni les défenseurs de facto des idées de Voltaire qui croupissaient dans les geôles de la forteresse Pierre et Paul... La statue du philosophe déïste trône aujourd'hui dans une salle de l'hermitage, où l'on explique toujours cette periode de dictature para-philosophique avec un soupir de regret (le monde était si simple en ce temps).

A Frankfort, je devais faire des efforts pour garder le Candide. Ma Zadig me faisait chier! Que fouttais-je à Frankfort? Pourquoi cette ville, capitale allemande (voir européenne) de la finance, pourquoi cette ville avait refusé tout l'après-midi de l'argent français sous pretexte qu'il était enfermé dans les coffres du Crédit Lyonnais? Pourquoi cette capitale allemande (voire européenne) des transports, pourquoi cette ville avait refusé tout l'après midi de me délivrer un billet pour ailleurs? Pourquoi tant de haine? Le lecteur qui est déjà intervenu il y a quelques lignes, doit avoir l'esprit tout frais pour m'expliquer qui si je dois m'en prendre à quelqu'un c'était la personne qui a décidé de me faire passer par F. am M. "c'est moi" répondrais-je à demi honteux. Au moment de l'obtention de mon visa, je voulais partir le mardi de Paris mais il n'y avait plus de place, le prochain départ était pour le mardi suivant. Je serais resté trois jours auprès d'Ania pour après me coltiner seul la froide pluie de fin septembre? Non! je ne voulais pas partir pour vivre ça. J'avais, en ce temps, deux amies (j'espère que ce temps là continue...), de la communautée immigrée allemande en France. L'une, la Berlinoise, bouclait sa valise pour l'Espagne le soir même et n'avait pas que ça à faire, et l'autre, la Düsseldorfienne, était rentrée depuis belle lur' des chateaux de la Loire. J'implorais donc l'aide de la seconde qui me trouva en deux heures le vol le plus proche et le moins cher pour la ville de mes rêves. Aussitôt trouvé, aussitôt réservé. Frankfurt -> St Pet' dès jeudi après midi. Mon départ de Paris eu lieu 10 heures avant le décolage allemand de l'Iliouchkine. Dix heures que j'avais passé à dormir en car la nuit et eveillé la matin pour une agréable visite de la première ville Allemande de mon répertoire neurônal: Frankfort. J'avais donc déjà vu ces tours de verres, cette rue des arts, où chaque maison au style extravaguant habrite une galerie. J'avais déjà parcouru ces rues piétonnes du centre reconstruit à l'ancienne, et j'avais déjà longé des larges artères boisées qui partent vers le nord. J'avais, à ce moment là, des espèces (de billets français) que je gardais pour le but de mon voyage, en me laissant les moyens de rendre cette escale agréable. Je m'étais même permis d'acheter des réserves de péloches à Saturn, le Fnac de cette ville (sans les livres)... Cette escale aller que je me voyait forcé de répéter au retour, faute de prévoyance me faisait autant plaisir que me faire servir du champagne dans une flute traversière, et ne m'incitait pas à recommencer à tourner dans les rues D'autant que j'avais du laisser un peu de ma forme outre-ex-rideau- de-fer (il va falloir que je me surveille, ça fait deux fois que je l'utilise celle là). Juste le temps de répondre aux désobligants, de parler du XVIe siècle et de justifier ma présence sur les rives du Main, et j'était déjà retourné à la HBF, assis sur une chaise à lire mon Diderot avec véhémence. J'avais le ventre rempli avec une baguette au saucisson moins cher qu'au Macdo et une brique de lait moins cher que dans la sandouitcherie. La fraicheur vesperale aidant, je descandais de temps à autre une goulée de Stolitchnaïa en reserve dans ma musette, que je faisait passer par quelques lampées de soda orange allemand bon marché. Il devait me rester dans la poche à zippo drei mark et quelques pfennigs, mais qu'en avais-je à faire, je lisais.

Alors là, que fais-je cher lecteur? Est ce que je fais arriver la fin au gallop, façon Deus ex machina parceque j'ai déjà un peu trop raconté ma vie à mon goût? Est ce que je raconte un peu les quelques chapitres que j'ai lu sur cet inconfortable tressage d'acier qui soutennait mon posterieur? Je peux aussi vous parler de ma deuxième semaine de ces vacances, qui s'est avéré être un congé sans solde, de l'église de Smolny que je n'ai pas vu cette année, du charme d'une promenade dans les îles en début de nuit (blanche). Je pourrais aussi vous apprendre à vous servir d'un extincteur à poudre car c'est l'une des rares choses que j'ai apprises à l'armée... Frankfurt? Piter? Villacoublay? c'est à vous de choisir lecteur!

Bon d'acord je poursuis sur Frankfort, non sans vous prévenir que vous allez au devant d'une déception. Et puis ne dîtes rien si je reparle de New-Leningrad, cela restera moins étonant que si je parlais de Villacoublay ou Mantes-la-Jolie. Et bien voilà, le temps passé à lire dans cette cage pour passagers en attente a permis à la nuit de tomber, au froid de figer ma transpiration et au couple inverti "mignonette - canette" qui me tennait compagnie, de se vider. La gare s'était aussi vidée s'en que je m'en rende compte. J'avais bien vu partir cet anglais, sac au dos et carte bleue en poche, faire le faux baroudeur dans le dernier train pour Prague. Mais les autres gens, je ne les ai pas vu quiter cet espace cossu et verré planté au milieux de la gare.

En fait, si! maintenant que j'y repense, il y eu dans cette zone d'attente, un passage de rasés en tenue para-militaire. J'avais cru un instant retrouver Paris et son sécurisant métro, mais non, les inscriptions sur les badges étaient incompréensibles et le pin's qui décorait leur béret aurait fait mauvais genre en France. C'était les vigiles de la gare. L'un d'eux contrôlait les billets de tous les placides assis, le second restait aux prises avec un respectable barbu au look de clochard, pendant que le troisième restait à suveiller la scène de l'exterieur du cagibit transparent, la main prette à dégainer la matraque. Je compris par les premiers échanges entre le premier cèrbère et des autochtones utilisant les sièges à des fins reposantes, que cette zone calme et propre était réservée à ceux qui attendaient leur train, et pouvait le prouver. J'en jugeais à la vue du troisième laron sans foire, que ce délit devait être considéré comme en France, démolir une cabine téléphonique, retourner une BX et y mettre le feu, où prendre le métro avec une frimousse de beur. Après avoir fait gicler un couple bizare, le plus mobile des trois était aux prises avec une grand mère, qui, billet en main, défendait deux prenneuses de sandouitche pour qui la HBF n'était qu'une gare d'arrivée. Leur train était surement arrivé en avance et leur mère, (ou leurs copains) devait avoir du retard en vennant de banlieue avec la BMW du père (ou une golf pourrie de 1979). Elles avaient trainé leurs valises jusqu'à la mienne pour se reposer de leur fatiguant voyage. Je ne sut en fait rien de ces deux charmantes allemandes, toujours est-il qu'elles purent garder leur délicieux posterieur sur leur valises grace à la persuasion du troisième age. C'était à mon tour. Le colosse s'approcha de moi. La taille de ses Rangers me dissuada de le remercier de m'avoir fait lever la tête vers les deux créatures mangeuses de baguettes (n'y voyez rien de censurable, c'est comme ça qu'on appelle les sandouitches dans les sandoutcheries de la HBF). Je les entendais à présent, quelque part derrière cette large chemise qui discutaient amicalement avec la carte vermeil. Le porteur de cette chemise me demanda quelque chose (c'était bien mon billet, j'avais bien compris son petit manège) dans la langue de Gueuthe. Je fronçai les sourcils dans la langue d'Emanuelle Labory. Il compris que je ne compris pas, alors il me montra un minuscule panneau colée sur la baie vitrée de la cage, ou il était écrit ce qu'il vennait de me dire en allemand. Même tête. Je le pris pour un con, Il compris que je ne compris pas. Après qu'il m'ait montré la sortie, j'osai ouvrir la bouche pour demander d'une voix fluette s'il parlait la langue de Shakespeare. Gestuelle négative, suivit du mot: "tickets". Où bien la langue de Molière? Niet, train tickets! Et celle de Pouchkine? Nein me fit-il en adoptant ma moue première. Il était vraisemblablement déstabilisé. Il devait avoir l'habitude de se faire comprendre immédiatement rien qu'en montrant son uniforme. J'avais bien compris ses revendications mais j'avais un bouquin à finir. Et puis à la vue du nombre de sièges vacants, je ne comprenais pas leur entêtement à vouloir vider ce quiet aquarium. Avant qu'il ne retrouve son germain, je repris en russe: "et lui, il ne parle pas anglais?" en montrant le vigile n°002 toujours aux prises avec le clodo. ça dut l'énerver, et il voulut fouiller mes affaires. Le vigile n°003 (dit vigile en faction) entra à son tour dans l'aquarium et intervint auprès de mon prussolingue. Puis il me demanda du feu..., ou l'heure..., ou mon avis sur le temps qu'il fait..., ou bien il me donna des nouvelles de sa copine... Je ne compris pas et lui preta mon passeport pour qu'il joue avec avant même qu'il finisse son dernier mot. Il n'en voulut pas et me le rendit. Derière eux, n°2 allait expliquer au clochard, dans la langue d'Evgen Bavcar (en braille) comment vider les lieux. N°1 et n°3 vienrent lui prêter main forte et me laissèrent tranquille. Peut-être avaient-ils été indisposés par mon odeur de transpiration que le froid n'avais pas encore réelement épongée. A la venue des quatre autres Rangers lacées avec détermination, le barbu aux cheveux longs et gras se leva docilement et pris tranquilement le chemin de se basquettes trouées, comme un petit vieux qui quitte son banc à la suite du passage d'étudiantes au jardin du Luxembourg (vous voyez bien que je ne me réfère pas toujours à St Pétersbourg). Les trois responsables de la propreté de l'espace d'attente, reprirent leur ronde sans même orienter une seule rétine vers moi, apparement satisfaits d'avoir put rendre l'endroit plus salubre en apparence.

C'était donc ça Frankfort, une ville propre, au sens extremiste du terme. Et ces trois cerbères autosatisfaits, étaient là pour procéder à une caricature de tenue de l'ordre, avec tout l'arbitraire des procès au faciès et autres missions para-nationnalistes. Si c'était ces allemands là qui étaient en France en soixante-dix, je comprends Maupassant. Et en quarante, si c'était encore eux, toujours prompt à faire respecter des rêgles inopportunes, avec un zèle de corbeau, juste pour justifier leur triste existance, je comprends très bien les Jean Moulin et les résistants. Aujourd'hui, les immigrés allemands sont autres (pour celles que je connais), et je ne supporterais pas qu'un nazillon français (on en a aussi...) pretexte Ouradour pour le plaisir d'embêter un(e) Fritz. Suite à cet incident, j'avais repris une goutte de Stoli, croisé mes jambes et attendu patiamment les heures suivantes en apprenant du neuf sur les avantures de Jacques et son Maître. Maintenant que la gare se trouvait être presque aussi fréquentée qu'un arrêt de bus à Tahure centre, les magazins fermaient, les kiosques à journaux ou je fis un tour entre deux chapitres, et les marchands de bagettes laissaient tomber leurs rideaux au sol. Les rondes de cons en uniformes devenaient de plus en plus visibles puisqu'il ne restaient plus qu'eux. Dans ma cage de verre, subsistaient un couple de couples et leur barda, un jean troué et deux autres utilisateurs de sièges. Sur le tableau des arrivées, comme sur celui des départs, plus qu'une seule inscription centrée avait la vedette: une heure et quelque précises. C'était l'heure de fermeture de la gare.

Mes potes de tout à l'heure, revinrent pour n'autoriser à rester que les possesseurs de billets. A leur entrée, le jean troué vida les lieux sans mot dire. Les quatre du fond chamboulèrent leur barda pour retrouver leurs billets. L'idée de m'expliquer à nouveau avec ces concièrges de l'aquarium, me faisait autant plaisir que me faire servir du champagne dans une coupe de cheveux. Je levais le camps. Je voulu sortir par une sortie annexe qui était déja fermée à clef. Je fus rejoint par un vigile à qui je dis en faisant la moue "ah ce gang!". Il m'indiqua l'entrée principale et je m'en fus par la seule porte encore ouverte, encadré par deux rangées de berêts inclinés qui n'étaient apparement pas là pour sêcher au soleil.

J'aurais pu m'expliquer avec l'un d'eux pour dire que j'attendais l'ouverture d'une banque pour rentrer dans mon pays. J'aurais pu implorer la pitié avec des yeux d'un berger allemand qui fait le cocker. J'aurais pu faire des pieds et des mains pour me faire comprendre. J'aurais pu par là attirer sur moi l'attention de gentils messieux à la chemise verte, avec une edelweiss sur la casquette. J'aurais même pu passer ma nuit assis sur une chaise en bois entourés de ces policiers, avec devant moi, sur la table ma musette ouverte et ma mignonette de vodka vide. je ne tentai rien de tout cela. Je préferais profiter de l'occasion pour passer la nuit dehors. Après tout c'était peut-être la dernière fois de l'année qu'il m'était offert de sommeiller à la belle étoile.

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