Alix Guillard

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En rentrant de St Petersbourg 1

Chapitre 1

Le Tupolef 154 se posa à l'heure (15:40 locale) et la douce voix du haut parleur me souhaita quelquechose dans deux langues que je ne comprenais pas, et moi seul français à bord, je m'en descendais sur la piste pour gonfler la foule des étrangers de l'aéroport. Mais que foutais-je à Frankfurt? Qui en sait quelque chose? Le pourquoi d'une telle escale reste un mystère. Mais sans cela, point de ligne sur ce papier blanc et même cette phrase ne serait pas écrite... Frankfurt n'était qu'une étape. Mon sac vert et neuf, pendu à mon épaule comme un Spit sur celle de Spirou, et ma valise de 24 kilos étaient d'accord avec moi pour décamper. München m'appelais au plus profond de mon âme de buveur de bière, mais Thierry à Munich ne m'avais pas appelé au plus profond de ma Russie. C'était donc à moi de le faire, maintenant que la distance et le coût du téléphone s'étaient réduits comme d'un commun accord. Je le fit, j'appelai puis rappelais et encore et encore. Que de 30 Pfennich à répétition n'ai-je pas vidé de ma téléfon-karte, pour écouter la musique atone d'un télécopieur japonais. A cette heure là, Toto bossait, indiscutablement indisponible.

Le hall des arrivées de l'aéroport de Frankfurt est largement mieux conçu qu'à St Pêt.: Une gare routière jouxte le hall d'arrivées, le niveau inférieur est à la fois une gare DeutchBahn et une station S.Bahn, le niveau supérieur, le hall des départs, et une odeur de gasoil témoigne de la proximité d'un parking. On peut souligner qu'en plus de tout ces moyens de faire gicler au plus vite les arrivants, les commodités d'accueil germanique sont toutes là: borne de rencontre, inévitables cafés, bars, buvettes et brasseries, bureaux de change (avec commission), agences de voyage, fleuriste fermé, DAB de banque, DAB de train etc... le tout bien propre et aseptisé, suréclairé par de violents néons et sécurisé par de fréquents passages de fusils mitrailleurs au poing de casquettes vertes. J'avais ramené de Russie 25 dollars qu'on m'avait donné pour m'indemniser d'un certificat d'hébergement que je devais faire à mon retour.

Le rouble au cours incertain (bien que stable tout au long de mon séjour), n'est accepté que dans les bureau de change de la CEI. Les russes estiment leur monnaie à peu près autant que les banquiers internationaux, et symbole de l'occidentalisation cocacolaienne, le dollar devient la référence quand les prix affichent plus de 10 zéros.

Beaucoup de nouvelles banques son nées depuis le putsch de 90, emblèmes du nouveau capitalisme slave, elles tirent leur puissance du monde industriel et surtout commercial bien plus que des particuliers. En 94 leur battage publicitaire pour attirer les clients à l'épargne à grand renfort d'emprunts bidons était à son apogée. L'omniprésence des banques sur télés radios, affiches, happenings aurait fait pâlir de jalousie le meilleur expert en propagande stalinienne. Du n'importe quoi vendu en fluo et en cyrillique: 300% d'intérêt pour un placement en roubles, 15% en devises. La faillite de MMM, le plus gros lanceur d'emprunts a marqué la fin de cette dictature médiatique des banques. Le grand public russe préfère rester éloigné de pareils établissements, et l'épargne des particuliers consiste en une enveloppe remplie de portraits du président Grant que l'on change de temps à autre. Le dieu dollar est là en héros comme un cow boy Marlboro assurant la sécurité financière, le way of life occidental en sus.

Ainsi, je m'étais retrouvé, rentrant de Russie, avec $25 que je me suis empressé, en bon européen, de transformer en DM 34 en n'oubliant pas de donner 3 marks pour les bonnes oeuvres de la Commertzbank. Une rapide conversation avec un agent de voyage anglophone & son computeur m'indiqua qu'il fallait 90 marks pour rallier München et bien plus pour Paris. Je rappelai Thierry, toujours ce fax au téléphone! Que faire?

Je me retrouvais dans un pays, entouré d'inconnus que je trouvais de plus en plus laids avec leurs cheveux blonds grisonnants et leurs mine satisfaite, de plus en plus incompréhensibles avec leur diphtongues intempestives et leurs consonnes gutturales. Je constatais dans mon malheur toute la différence entre deux heures à Frankfurt avec ses gratte-ciel verticaux et brillants, de verre et d'acier quotidiennement polis par la brise; et une semaine à St Pêt, avec ses routes grises, horizontales et défoncées ou la pluie crée des marres.

Quand l'indifférence germanique fait suite à l'hospitalité slave, ma bonne humeur française en pâtit. Ajoutez à cela, une encombrante valise importable de 24 kilos qui m'usait la paume après deux minutes de préhension, et un volumineux sac à main d'où dépassait 50 centimètres de fragiles affiches roulées; je crois qu'il y a des cégétistes qui ont fait grève pour moins que ça...

J'avais aussi, dans cette besace en bandoulière suscitée, mon carnet de chèques presque neuf dont les dessins de vues parisiennes trahissaient ma nationalité pro-atomique. Après un bref mais onéreux entretient avec un employé de mon agence de Coulommiers (Place du marché), j'obteins la confirmation et la méthode pour utiliser ce moyen de payement en libellant la somme en devises. Fort de ce nouvel atout, je retournais à l'agence de voyage demandant à mon blondinet anglophone la possibilité de payer avec ce seul moyen que ma condition de pauvre m'offrait. Après un bref examen curieux de mon tas de papiers imprimés dans une langue bizarre( ce sont des chèques français...), il me signifia son refus, mais, toujours le sourire aux lèvres, il me conseilla de présenter ce machin au bureau de change juste à coté. (quel aéroport bien conçu!). Le logo de la commertzbank étant le même que celui du crédit Lyonnais; j'étais mis en confiance et me mis à penser, une larme à l'oeil à cette amitié franco-allemande qui semble durer depuis des siècles. Les échanges linguistiques, la commémoration de la victoire de 45, la nouvelle classe C, le boycott des vins français... Au guichet, celui qui me pris jadis mes dollars d'un air pataud, m'accueillît cette fois ci avec étonnement. Cet étonnement laissa vite place à la froideur glaciale des congélateurs siemens. On (car c'est ainsi qu'il s'appelle) me conseilla néanmoins de requéter au niveau supérieur dans une banque qui ne fait pas que bureau de change. J'y allais, même refus. Je ne sait plus combien de troncs au visage plat en verre j'ai visité, questionné, leur glissant mon obsolète chéquier de mes mains rougies par le transport de la valise, sur leur plastron en zinc. Je ne sais combien de kilomètres je fis ni combien de "no possibl" j'entendit. Tous les guichets étaient négatifs (même celui de la RGF bank, filiale affichée du Crédit Lyonnais). Tous les guichetiers parlaient anglais certes, mais à quoi bon? Ils refusaient tous d'effectuer une opération légale mais inhabituelle. Ils me faisaient suer. Et plus mon maillot de corps épongeait ma transpiration, plus je devais m'imposer le calme avant de parler, plus je me résignais par apathie à me laisser mourir sous ces néons acides. On me disait partout Eurochèque, Créditcard, travelers et autres services ultrapayant pour lesquels j'ai toujours refuser de raquer.

Vous pourriez croire qu'après cette aventure, ma détermination à ne pas m'offrir ces services s'est émoussée. "pourquoi ne me rends-je pas la vie plus simple?" Cette question, même là bas, je ne me la posait pas. Et pourquoi donc ? Quelle curiosité! A mon tour de poser des questions: Est ce que la carte bleue est sure ? Trouvez vous normal de payer pour avoir le droit de consommer (et donc de repayer)?

Personne ne comprend rien a ce que je veux faire entendre ? Il faut donc que je m'explique ? & bien voilà: Beaucoup de services bancaires étaient autrefois gratuits. Aujourd'hui, ils sont payants, pas cher, mais nombreux. Les banques nous les imposent et nous ne pouvons qu'accepter pour rester un temps soit peut consommateur (donc vivant). Dans le même temps, les banques baissent de plus en plus leur taux de crédit, jusqu'à parfois descendre en dessous du loyer de l'argent! Que voulez-vous, le crédit est un produit d'appel. Ces promos ne sont pas gratuites et il faut bien que les banques se remboursent sur les opérations courantes. Facturer les chèques, des banques ont essayé, mais c'est trop voyant, trop flagrant. Par contre, les nouveaux services qui apparaissent, ça n'a jamais été gratuit puisque ça n'existait pas, donc les consommateurs ne s'en rendront même pas compte! Pourtant, si on nous incite à prendre la carte bleue, c'est pour simplifier les opérations, rendre les retraits moins coûteux pour les banques. Devons nous payer pour ce service ? devons nous payer pour toutes les opérations courrantes alors que la banque fait travailler notre argent pour sa pomme?... Vous auriez du me prévenir avant que je ne transforme mon récit de retour de vacances en un plaidoyer pour la Banque directe.

Dans l'aéroport, j'en étais là, rejeté parce qu'ayant refusé un jour de payer pour le crédit facile des autres, pour cette société de surconsommation. Les grosses voitures, astiquées jusqu'à la moelle, exposées un peu partout dans l'aréhoport, les baladeurs et les parfums dans les boutiques, toutes ces choses qu'on peut acheter grâce à des crédits à la consommation, je les haïssais en les voyant, victime invisible du désir qu'elles créent. Bien sur, je ne souhaite pas avoir une carte PREMIER gratuite (il faut bien laisser aux riches la possibilité de crâner) mais pourquoi, dans le milieux bancaire, toute facilité doit être payante? Est-ce que je paye mes sacs plastiques chez Auchan ? Je pourrais aussi retourner à l'age de pierre et me promener constamment avec 2000,00 FF en liquide sur moi, en cas de besoin, mais il se trouve que je n'apprécie que très moyennement les coups de pieds dans le bas ventre et les violentes caresses à la batte de base ball.

Il était bien sur hors de question de faire du stop avec l'encombrante valise. Et puis comment se rendre à l'entrée de la bonne autobahn sans connaître une seul straße du coin? Non, le stop, je le laissait aux polonais qui sillonnent l'Europe affublés de leurs sac à dos gigantesques.

16h30 (toujours heure locale, mais aussi heure française (d'été)), maman rentrais du boulot à cette heure là, aussi pensais-je à l'appeler à l'aide. Je ne sait pas comment ça se passe chez vous quand vous trouvez des pépins dans un excellent brugnon mais pour ma part, je préfère m'arranger avec le jardinier plutôt que de m'en plaindre auprès de tous les convives. (Convives, qui de toutes façons, prennent des poires parce que c'est quand même plus la saison.) Donc pendant le cheminement du 00 33 (1) 64 04 etc., je réfléchissait à quoi dire pour ne pas l'inquiéter. Rapide exposé de la situation, demande d'appeler ma banque pour savoir si virement spontané existe, "je me débrouille", "ça va", "je rappellerais", plus d'unité. Elle n'avais pas trop l'air de s'en faire, dans un sens ça me rassurait, mais je n'avais pas plus de solution que de moyen de téléphoner... Heureusement, en bon collectionneur cartopuciste, acheter une télécarte ne présentait pas un problème majeur. Ce fut donc ma première dépense du jour: 12,00 DM, le tiers de ma pocket fortune. J'avais maintenant plus de moyen de téléphoner que de solution, c'était un moindre bien...

Dans la négligence de mon départ précipité, j'avais (quand même) pensé à quémander à allostop France le numéro de son Frankfurter homolog. J'appellai donc ce dernier, avec l'avantage d'avoir une interlocutrice anglophone. Lorsque les allemands sont des allemandes, elles me paraissent tout de suite plus agréables. "Avez vous des voitures aujourd'hui en partance pour Munich au départ de Francfort ?

  • non
  • et pour Paris ?
  • Non plus.
  • & demain, il y en a des voitures demain ?
  • Hélas, ni aujourd'hui, ni demain
  • et pour Paris ?
  • Hélas, ni pour Munich, ni pour Paris.
  • Tant pis, je vous remercie.
  • Il n'y a pas de quoi, au revoir ... bip! bip!...
  • Au rev...". Allais-je regretter ma pensée première au sujet des Allemandes ? Pourquoi rendre la foule responsable de situations insolubles ? Cette valise, qui se traînait à mes pieds n'était-elle pas plus responsable que le quidam qui prenait la cabine derrière moi ? Est ce que tout ça, ça ne serait pas plutôt la faute des filles ? Voilà, c'est ça, toujours les mêmes!

lampadaire avec faucille et marteau

Certains prétendront que je ne me suis rendu en Russie que pour elles. Je me permettrais de rectifier que pour être dans le vrai, il aurait fallut dire "grâce" à elles. Citons (en vrac) l'invitation d'Ina, l'accueil d'Evguénia, l'attention d'Ania (fatalement), le zèle de Natalia, la délicatesse d'Olga. Remercions aussi les mâles tant que j'y suis: le dévouement d'Anatol, le rayonnement de Dima, l'intéressement de Dima et l'hospitalité de Dima (est ce ma faute si Dimitri est un nom répandu là bas?). Tous ces gens qui m'ont offert ce séjour à Piter (je sais, ce n'est pas une phrase correcte). Sacrée ville aux trottoirs cabossés, ville sacrée aux dômes dorés, et la foule impolie se bousculant violemment, pakiêt à la main, sur la Nevski... Dieu que j'aime ce coin de la planète, ses îles ses canaux, ses kiosques en tôle, les citées dortoirs futuristes en périphérie et les datchas en banlieue. Plus au sud encore, les palais colorés et enchanteurs avec leurs grands parcs. Et puis, les péterbourgeoises, léningracieuses à qui on ne demande rien et qui, avec leurs pommettes hautes et leurs yeux en amande, arrivent à nous faire détourner le regard des gigantesques lustres du métro.

J'étais bien loin de tout ça, plus personne pour m'aider où me rendre service. Je quitai l'Aéroport par le S Bahn le plus direct pour la gare centrale. Le ticket me laissa suffisamment de monnaie pour me laisser espérer un hamburger vespéral. Quand au reste, l'hypothétique fin de mon voyage, rien n'était moins certain.

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