Télévision française à l’étranger : Réponse aux lecteurs de Rue89

Le 24 avril dernier, Rue89 a publié une tribune ( La télévision française championne de la censure ) que j’avais écrite pour demander aux producteurs d’arrêter de bloquer la diffusion de leurs émissions sur les sites de rattrapage des télévisions françaises. Cette tribune ( déjà présentée ici ) a provoqué quelques réactions sur twitter et des commentaires que j’ai lus avec intérêt. Certains portent des interrogations. Je vais donc donner ici quelques précisions.

D’abord, je tiens à rectifier une erreur dans le chapô de cette tribune. La RAI et la BBC bloquent aussi leurs programmes sur critères géographiques. Je me suis trompé en l’affirmant parce que je n’ai jamais fait l’expérience de ce blocage quand je regardais la BBC aux Pays-Bas mais surtout je me suis inspiré d’une question posée à Madame la Ministre de la culture par un de nos députés français de l’étranger.

Ce député n’est d’ailleurs pas le seul concerné par ce blocage géographique des émissions. La question revient souvent au Sénat ou à l’Assemblée. Ironie de l’histoire, la dernière question posée sur le sujet l’a été par Corinne Narassiguin. Une semaine tout juste avant l’annulation de son élection comme députée de la 1ère circonscription des français de l’étranger.

Est-ce de la censure ?

Des lecteurs contestent mon emploi du terme « censure » parce que cette mesure est exigée par la limitation des droits. Il s’agit pourtant d’empêcher une information d’être publiée ou diffusée, ce qui correspond au deuxième sens de la définition de la « censure ». Ce n’est effectivement pas une censure d’état ou juridique, mais la conséquence de la décision de certains producteurs. Je parlerais donc de géoblocage pour éviter la confusion.

Une proposition

Je propose donc que les producteurs ne puissent pas s’opposer à la diffusion de leur contenu dans les pays où ils n’ont pas fait la démarche de trouver un diffuseur local. Si, par effet de bord, un diffuseur français le rend disponible, sur un territoire non prévu au contrat de diffusion, le producteur ne peut plus s’y opposer, à moins d’une concurrence flagrante sur le même programme ne le justifie.

Cette mesure permettra surtout à de nombreux français vivant ou voyageant à l’étranger de bénéficier d’une certaine continuité territoriale audiovisuelle et elle devrait inciter les producteurs d’émissions francophones à découvrir de nouveaux marchés mais surtout elle mettra fin à cette censure que doivent pratiquer les télévisions françaises et que personne ne comprend.

Les rencontres sportives

L’exemple du sport a été cité, pour démontrer l’omniprésence de ce géoblocage. Nous sommes ici dans le cas où les détenteurs de droits (les fédérations sportives) travaillent à rendre les retransmissions disponibles dans d’autres pays. Si une retransmission est disponible sur une chaine qui en a l’exclusivité le géoblocage des autres chaines peut être justifié. Il n’est pas pénalisant pour le spéctateur puisque l’emission est disponible ailleurs.

Une histoire de gros sous

Certains commentaires ont pointé que les chaines ne voulaient pas payer pour le peu de revenu qu’elles réalisent à l’étranger. Que cela représentait un manque à gagner pour les producteurs. C’est une bonne analyse. Il faut juste comprendre que les producteurs ne font pas grand chose pour valoriser ce manque à gagner, sûrement parce qu’il n’est pas important. En fait, c’est plus une histoire de petits sous. Une histoire qui pourtant pénalise des milliers de personnes dans le monde. Pourquoi ne pas répondre à leur demande en réglant cette histoire de petits sous ?

La redevance

La redevance dont les Français à l’étranger ne s’acquittent pas a été évoquée pour justifier ce blocage mais cela n’a aucun rapport. La redevance ne concerne que la télévision publique et les télévisions privées pratiquent aussi ces blocages. La redevance ne concerne pas seulement la télévision publique, mais aussi Radio France et on n’a jamais vu personne demander le blocage d’emissions de radio parce que leurs auditeurs n’avaient pas de télé et ne payaient pas la redevance. On pourra noter que Radio France propose de rattraper l’ensemble de ses emissions pendant plusieurs années sur Internet et ce, sans aucun blocage géographique.

Ces contrats sont privés

Zirghapok a écrit « Les contrats entre deux boites privées ne regardent qu’elles ». C’est vrai mais dans leurs contrats même les entreprises privées doivent respecter la loi. Ainsi TF1 doit respecter certains quotas de productions françaises parce que la loi l’exige. Si la loi demande aux producteurs de diffuser plus largement, cela s’imposera. Les chaînes et les producteurs signeront des contrats en conséquence.

L’audiovisuel extérieur de la France

Il a été écrit que France 24, TV5 et RFI n’auraient plus de raison d’être si les télés françaises pouvaient émettre partout. C’est oublier que chaque chaîne a sa particularité, les programmes sont différents et c’est aux responsables des programmes de faire en sorte qu’ils soient complémentaires. France Ô ne s’arrête pas parce que France 2 est diffusée aux Antilles. RFI ne s’est pas arrêtée depuis que Radio France diffuse ses émission par Internet.

D’autes solutions existent

Des lecteurs m’ont signalé l’existence de solutions VPN (connexion privée à un serveur basé en France). Il existe aussi d’autres solutions comme les logiciels de vidéos à la demande ou certains packs satellite (Bien que Canalsat refuse les adresses hors de France, pour des raisons de… droits de diffusion). Ce peut être de bonnes solutions, les expatriés du Parti Pirate ont commencé à en recenser. mais elles ne conviennent pas à tous les publics. Certains les trouvent compliquées, d’autres trop onéreuses. Un étudiant Erasmus par exemple a très peu envie d’investir dans un pack satellite.

Ces solutions montrent surtout que les producteurs font fausse route en décidant le géoblocage. Leurs émissions passent quand même les frontières mais des milliers de spectateurs n’ont pas accés à ce contenu francophone.

Ma proposition vise à inciter les producteurs à rejoindre ces marchés tout en respectant leurs droits. Ceci allégerait la frustration des français à l’étranger et surtout diffuserait la culture française plus largement.